Maintenant je vais vous raconter l’histoire d’un simple tailleur, dans laquelle, il y a deux intervenants :
Le premier : un polonais bien sûr, Yann Tyranowski, célibataire, né en 1900, grand dévot de Saint Jean de la Croix, Thérèse d’Avila et de sensibilité salésienne. Il avait organisé le « rosaire vivant » rassemblant chaque semaine une quinzaine de garçons dont chacun prenait en charge la méditation d’une dizaine du chapelet. L’influence de Yann Tyranovsky auprès des jeunes était importante, on venait le trouver en confidence pour lui demander conseil. A l’époque qui nous intéresse, il avait environ 45 ans.
Le deuxième intervenant : un jeune garçon nommé Karol Wojtyla. Né en 1920, il avait perdu sa maman lorsqu’il avait 8 ans. Sa sœur ainée, Olga-Maria décède avant la naissance de Karol. Un garçon, Edmond, sera médecin, de 14 ans plus âgé que Karol qui a toujours eu une profonde admiration envers son grand frère. Edmond meurt à 26 ans d’une épidémie au service de ses malades, Karol avait alors 12 ans. Maintenant, il habite seul à Cracovie avec son père malade et il se prépare à fréquenter le séminaire, clandestin à cause de l’occupation allemande, puis du communisme. Afin de gagner l’argent indispensable pour lui-même et son papa, il casse des cailloux à la carrière Solvay. C’est dans ce contexte qu’il rejoint le groupe du « rosaire vivant » et Yann Tyranowsky.
Un jour, désireux d’éclairer sa conscience, Karol vient se confier à Yann : « J’aime beaucoup la Vierge Marie et je la prie beaucoup mais je crains que, ce faisant, je retire à Jésus la dévotion que je lui dois ».
Pour toute réponse, Yann glisse alors dans la poche de la veste ravaudée de Karol un petit livre : « Là, tu trouveras réponse à ta question. » Il s’agissait, comme vous l’avez deviné, du « traité de la vraie dévotion à la sainte Vierge » de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort. Une première lecture laisse Karol un peu sur sa faim. Une deuxième lecture l’apprivoise. Après la troisième lecture, cette brochure rejoint son chapelet et son mouchoir dans le fond de sa poche jusqu’à son dernier soupir le 2 avril 2005.
Lors de confidences à son ami André Frossard sur ce sujet, Jean Paul II précise qu’il tient ce livre de son "directeur spirituel".
Voulant avoir la certitude que ce directeur spirituel était bien Yann Tyranowski, j’ai pris un rendez-vous personnel avec le cardinal de Cracovie, Monseigneur Makarski, camarade de séminaire de Karol. Trouvant ma question un peu insolite, il hésite et me dit « je pense qu’il s’agit de Yann Tyranowski ».
A Rome, je suis allé rencontrer le cardinal Deskur, lui aussi polonais qui déjeunait tous les dimanches avec son ami le Pape Jean-Paul II. A ma question, il me confirma que, selon lui, il s’agissait bien de Yann Tyranowski.
Pour mettre un terme à la page de notre tailleur, il est bon de savoir que le Pape François l’a reconnu "Vénérable", le 20 janvier 2017. Le voici donc en voie possible de béatification et de canonisation. Puisse-t-il, lorsqu’il sera saint, trouver lui aussi une place digne de lui dans la basilique de Saint Laurent-sur-Sèvre ! (Conférence du 8 octobre 2023)
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